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 Dom Juan & Don Giovanni: de la pièce de Molière à l'opéra de Mozart

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Earl Grey
Bactérie Divine
Earl Grey


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MessageSujet: Dom Juan & Don Giovanni: de la pièce de Molière à l'opéra de Mozart   Dom Juan & Don Giovanni: de la pièce de Molière à l'opéra de Mozart I_icon_minitimeMar 13 Aoû - 9:52


Salut à tous, camarades du Théâtre des Arts me revoilà!!! (Silence absolu)

Bon, euh comme ça fait longtemps que je n'écris plus rien va falloir me faire pardonner!!! Pour commencer, je voulais partager avec vous cette pièce d'antiquité, un vrai petiti bijou de brocante littéraire venant de mon lointain passé de lycéen (eh oui, même l'immortel comte Earl Grey a eu une jeunesse Dom Juan & Don Giovanni: de la pièce de Molière à l'opéra de Mozart 2578313619)

Trêve de plaisanteries, voici un vieux travail qui remonte à mon année de 1ère de lycée...une analyse croisée sur le personnage du Dom Juan de Molière et de son évolution/renaissance avec l'opéra de Mozart et le livret de Lorenzo Da Ponte.
C'est un peu vieux tout ça, et j'étais loin de l'écrivain professionnel que voici donc ayez pitié du français immature qui va suivre!!!

Note perso: tout ce qui est entre parenthèses fait partie des problématiques que j'avais soulevé pendant ma dissert' à l'époque, toutefois dans le cadre de ce forum elle peuvent servir de début pour débattre, donc suivez bien et si vous avez quelque chose à dire en réponse, n'hésitez pas!!!

J'espère qu'il va vous plaire, bonne lecture!!!


Dom Juan & Don Giovanni: de Molière à Mozart
("Vieille" dissert' du Comte Earl Grey découverte en excéllent état en 1892 A.C.)



1) Introduction

L’interdiction du Tartuffe avait privé Molière d’un succès public qu’il espérait très grand. Il se trouva désemparé et songea à écrire, rapidement, une comédie nouvelle.
Il chercha un sujet tout prêt, qui ne lui demanderait aucun effort d’imagination et le trouva dans le thème éternel de Dom Juan, qui était alors dans tout l’éclat de sa nouveauté. Cette histoire de l’athée foudroyé nous était venue en France par l’intermédiaire des Italiens. Deux adaptations, l’une de Giliberto, perdue, l’autre de Cicognini, conservée, avaient popularisé le thème. Les Français avaient suivi : deux comédiens-auteurs l’avaient repris, Dorimond, chef de la troupe de Mademoiselle, à Lyon en 1658 puis à Paris en 1661, et Villiers, à l’Hôtel de Bourgogne, en 1660 avec le même titre, le Festin de pierre ou le Fils criminel.
La pièce va subir, dès sa deuxième représentation une attaque en règle.
On demandera à Molière de supprimer certaines scènes (scène du pauvre) et certaines répliques (mes gages, mes gages) qui semblaient tourner en dérision la religion. Elle ne sera éditée qu'en 1682 dans des versions souvent mutilées et ce n'est qu'en 1884 qu'elle sera rejouée pour la première fois dans sa version originale.
Molière s'est inspiré du personnage principal de El Burlador de Sevilla y Convidado de piedra de Tirso de Molina, sauf que ce Dom Juan espagnol, qui passe son temps à renier Dieu et séduire les femmes, demande à se confesser avant sa mort lors du dénouement.


2) L’œuvre de Molière

Dom Juan & Don Giovanni: de la pièce de Molière à l'opéra de Mozart Domjuanfin

Les personnages – Dom Juan et Sganarelle

Dom Juan

Dom Juan est la figure centrale de la pièce et reste le héros absolu jusqu’au dénouement.
Grand seigneur espagnol, jeune et beau, il est méchant homme d'une insolence totale, parfois violent. Dom Juan manie avec aisance l'ironie et le sarcasme, l'impertinence et l'offense, l'irrévérence et l'irrespect. Il personnifie une lutte impitoyable entre le classicisme et le baroque.  
C’est également un personnage de la transgression des règles sociales ou religieuses qu’elles soient.
Il est transgressif face aux mœurs parce qu'il est séducteur il ne respecte pas le mariage. Il séduit les femmes, y compris celles qui sont promises (voir la scène avec Charlotte et Pierrot). Dom Juan est le maître du jeu.
Il transgresse les règles sociales, il vit à l'écart, il est constamment en fuite (face aux frères d'Elvire notamment), et il représente un danger pour la société dans la mesure où il séduit toutes les femmes.
Il est transgressif vis-à-vis des règles imposées par sa naissance, sa noblesse et son père.
Il n'éprouve aucun respect envers ce dernier et lui souhaite même de mourir (acte IV scène IV-V). Il refuse de régler sa conduite comme le nécessiterait son rang.  
Il y a également chez Dom Juan, la transgression du ciel. Il croit seulement que "deux et deux sont quatre". Il refuse à maintes reprises de se repentir, il garde une attitude de libre pensée à l'encontre de tous les codes sociaux de l'époque. Même à sa mort, il refuse de se renier, il reste déviant jusqu'au bout. On peut donc qualifier d’anarchiste son attitude de défi envers les règles et la société.
C'est aussi un homme de l'expérimentation, qui affronte chaque nouveau problème, et le résout sur le moment. Dom Juan sait aussi se montrer hypocrite, allant jusqu’à faire semblant de se convertir devant son père et après devant les frères d’Elvire (acte V scène I-III). Un acte de provocation doublé d’un énième défi de la volonté céleste.

Sganarelle

Sganarelle est le valet de Dom Juan, et peut être considéré comme le deuxième personnage de la comédie en termes d’importance. Son nom vient de l’italien sgannare, « ouvrir les yeux », donc il indique déjà une conception nouvelle et révélatrice, du « valet de théâtre ». Son nom évoque la farce, la comédie ; cependant Sganarelle est aussi un personnage d’une grande complexité.
On peut le qualifier d’asexuel dans la mesure où il ne récupère pas les conquêtes de Dom Juan, comme d’autres valets de Molière. Sganarelle mêle souvent les dictons populaires, fait preuve d’un certain bon sens, mais reste assez maladroit. De plus, il est ignorant et stupide, et le montre par ses discours où il mélange tout : foi, superstition, médecine, philosophie et peur de l’au-delà. En même temps, il se vante de son ignorance (acte III, scène I).
Sganarelle est aussi le seul vrai défenseur de la Foi dans la pièce, mais il agit ainsi par peur du Châtiment du Ciel.
Il ne nomme pas directement Dieu parce qu’il est très superstitieux. Il croit au loup-garou (acte I, scène I) et au Moine bourru, qu’il semble placer même au-dessus du Ciel et de l’Enfer. Selon Sganarelle, superstition et religion sont indissociables. Avec cette pensée, cependant, il ridiculise le principe qu’il défend. La même chose se fait pour les principes moraux et sociaux.
Sganarelle  est également un personnage comique et fin : il aime plaisanter, il joue souvent avec les mots ou l’énonciation pour échapper aux situations dangereuses, et il connaît profondément son maître. Il est le confident, le complice mais aussi l’alter ego antithétique de Dom Juan. D’une part il le déteste et d’une autre il ne peut s’empêcher de l’admirer et de l’aider dans ses aventures.
Sganarelle ne souhaite pas vraiment que Dom Juan meure. Pourtant à la mort de ce dernier, il ne le regrettera que parce qu'il lui devait de l'argent, "mes gages ! mes gages", tandis que le Sganarelle "social" justifiera et acceptera la mort de Dom Juan.
Dom Juan ne peut pas se séparer de son valet, ils sont d'ailleurs l'un pour l'autre une sorte de faire valoir réciproque. Ce premier représente le côté sombre de la pièce tandis que Sganarelle est l’amuseur, celui qui détend l’atmosphère, mais aussi l'intercesseur du public. Rôle que se réservait d’ailleurs Molière, car le plus théâtral de tous.

Les personnages secondaires

Les autres personnages de la pièce sont de par eux-mêmes assez simples et n’ont qu’un rôle très secondaire par rapport à Dom Juan ou Sganarelle, sauf peut-être la Statue du Commandeur et son côté surnaturel lié au dénouement. Les frères d’Elvire (nobles espagnols très attachés aux traditions de l’honneur et de la courtoisie chevaleresque) ou les paysans Charlotte, Pierrot et Mathurine (archétypes du paysan ignorant) s’effacent devant la figure dominante de Dom Juan ou même celle de Sganarelle.  
On peut donc dire qu’il s’agit de stéréotypes théâtraux de second plan, sans aucune réelle  complexité, ce qui ne sera pas le cas avec les personnages de Mozart.      


Le dénouement : une fin ambiguë

Au cours du dénouement, Dom Juan est emporté dans les Flammes de l’Enfer par la Statue du Commandeur.
Dom Juan meurt, on pourrait se croire dans le dénouement d’une tragédie. Mais très rapidement, le registre comique revient au galop avec la réplique finale de Sganarelle : « Mes gages, mes gages ! »; un Sganarelle peiné, non de la mort de son maître mais de la perte de son argent.
Le châtiment de Dom Juan peut paraître exemplaire : un homme qui défie toutes les lois sociales et la puissance divine ne peut survivre. Pourtant le comique de cette réplique finale annule l’effet voulu : Dieu n’a pas le dernier mot. La pièce se finit sur une note bouffonne et le valet Sganarelle énonce une morale.
Le dénouement de Dom Juan ne peut être vraiment appelé dénouement tant celui-ci est ambigu.
Le Ciel emploie tous les moyens possibles afin de convaincre Dom Juan, et doit se résoudre à utiliser la violence. Toutefois, Dom Juan ne va jamais se repentir, personne ne réussira à le convaincre et à vaincre sa logique. À cause de son dénouement cette pièce est tragique, mais est constamment bercée par le registre comique.
Ce mélange habile du genre comique et tragique fait de Dom Juan une pièce baroque, ne respectant pas les règles du classicisme, qui cherchait au contraire à rester dans le vraisemblable.

Les intentions de l’auteur

Molière entretient l'ambiguïté sur ses intentions tout en décrivant un personnage qui n'est pas totalement noir. Il est intelligent et courageux. Dans ses duels verbaux contre Sganarelle ou contre les autres personnages, il gagne haut la main. De plus, en tant que héros il n'est pas ridicule, contrairement à tous ceux qui sont sortis de l'imagination du poète; il est même parfaitement lucide dans ses plaisirs souvent sadiques. Il se présente comme un révolté, prêt à défier toute règle susceptible de limiter son plaisir individuel.  D'autre part, son cynisme et son hypocrisie ne peuvent que révulser le spectateur.
La pièce peut être considérée  comme une réflexion sur le libertinage et ses excès. Molière est adepte de la libre-pensée, mais respecte les convictions religieuses. Il s'attaque à toute forme d'hypocrisie que ce soit celle du dévot ou celle du libertin. Dom Juan est prêt à tout pour satisfaire ses plaisirs. La fin de la pièce est également très ambigüe. Dom Juan est puni de ses péchés par la mort, il est anéanti physiquement, la conclusion semble donc morale (comme on peut l'attendre à l'époque). Néanmoins, peut-on vraiment dire qu'un héros est vaincu s'il a préféré mourir plutôt que de renoncer à ses convictions ?  



3) L’opéra de Mozart

Dom Juan & Don Giovanni: de la pièce de Molière à l'opéra de Mozart Dangelo_400_Don_Giovanni_Pl

L’époque où Mozart écrit sa version musicale de Dom Juan (Don Giovanni ossia il dissoluto punito) est très différente de celle de Molière: on se retrouve projetés un siècle plus tard, vers la moitié du XVIIIème. Cette période est caractérisée par la diffusion des idées des Lumières ; pour cela aussi, l’histoire de don Giovanni acquiert une nouvelle dimension.
Dans le projet de son opéra lyrique, Mozart collabore avec Lorenzo da Ponte, poète vénitien à la Cour de Vienne. Il est célèbre pour avoir déjà collaboré, précédemment, avec le même Mozart, dans l’écriture de Le nozze di Figaro. Mozart compose donc la musique de Don Giovanni, tandis que Da Ponte s’occupe du livret. Pour cela, le librettiste s’est inspiré d’un autre opéra de Giovanni Bertati sur le même sujet.
La première de Don Giovanni se fait à Prague, en octobre de 1787. Le succès est enthousiasmant, dû à la nouvelle dimension de l’histoire, et surtout, à l’ajout de la musique. La légende raconte que l’Ouverture aurait été écrite le soir précédant la première.....
Don Giovanni se retrouve également sur scène à Vienne, l’année d’après, mais le succès n’est pas le même qu’à Prague. Les auteurs vont modifier un peu leur travail, surtout le dénouement, pour cette représentation, mais l’opéra est quand-même accueilli avec froideur par les Autrichiens.


Ressemblances et différences avec Molière

Malgré la différence d’époque entre le deux œuvres, elles ont des points communs, tout en étant différentes.
Dans l’opéra comme dans la pièce, les personnages orbitent autour d’un héros unique, qui garantit une unité de succession aux scènes incohérentes, fragmentaires.
(Encore mieux, dans Mozart, Don Giovanni est le personnage grâce auquel tous les autres acquièrent une profondeur psychologique individuelle après l’avoir côtoyé).
Il y a un éclatement de l’action dont le héros est plongé dans les situations les plus variées et se trouve sans cesse en présence de nouveaux personnages, de sorte que nous assistons à une sorte de défilé bariolé. Cet éclatement de l’action entraine aussi une multiplication des lieux et des décors.
Les personnages basiques de Molière sont toujours présents dans Mozart, et sont accompagnés de quelques figures nouvelles. D’autres personnages (Dom Louis et les frères d’Elvire) sont absents.
La grande nouveauté de l’opéra lyrique est représentée par l’ajout de la musique, qui traduit une bonne partie de l’ambigüité des personnages et de leur caractère, sans compter la complexité de leurs rapports.


Des personnages en musique

Leporello

Son chant syllabique est typique du style de bouffon, mais  les premières paroles signalent déjà une attitude de rébellion à l’égard du maître. Leporello donne une touche de vivacité à l’opéra et souvent ses interventions préparent des coups de scènes. Le phrasé en notes détachées et la mélodie qui oscille continuellement soulignent son caractère contradictoire.
Il est lâche, mais en même temps rusé et habile (scène des vêtements => problématique apparence et réalité).
Il est le complice de Don Giovanni et aussi un admirateur secret de ce dernier ; cette double personnalité se développe au cours de l’histoire, jusqu’à le faire apparaître comme un alter ego de Don Giovanni. Toutefois il est davantage maltraité et menacé de mort que dans Molière, ce qui rend le rapport maître-valet plus froid et détaché.    
Leporello présente son maître avec la longue « aire du livret » chantée à Donna Elvira (il n’y a point de dialogue avec Gusman). Il s’agit d’une chanson typiquement comique, mais Mozart ne fait aucune divagation qui couvrirait le valet de ridicule ; au contraire Leporello arrive presque à s’identifier dans la figure de Don Giovanni, élevé au rang de légende comme l’emblème parfait du Séducteur.

Don Giovanni

Malgré son statut de noble, son rôle vocal est celui de baryton ou de basse comique : cela souligne presque l’immoralité de son attitude, qui d’un certain point de vue le « rabaisse » au niveau du peuple (d’un autre côté, D. G. n’hésite pas à se mettre au rang de Zerlina pour la séduire) et explique  sa démagogie et sa mauvaise foi.
Le terme Libertin indique sa liberté de penser – il ne croit pas au Ciel (comme la figure typique de l’athée de libre pensée) ; et par conséquent cela souligne aussi la liberté sur le plan de l’amour charnel – beaucoup plus accentuée dans l’opéra que dans la comédie de Molière.
Ses conquêtes sont infinies – comme déclare Leporello dans « l’aire du livret » ; les femmes sont au dessus de l’eau qu’il boit et de l’air qu’il respire. Mozart et Da Ponte confèrent au Don Giovanni une mentalité close, obsessive, brutale et dépourvue de limites, mais aussi une certaine complaisance, presque cruelle, avec laquelle il traite ses conquêtes ; une attitude qui frôle la misogynie. On peut remarquer tout cela  avec « l’aire du champagne », qui met en évidence l’essentiel de son caractère : le chant est dionysiaque, frénétique, et la mélodie est centrée sur un thème unique (complexe de l’égo). Il est représenté comme un grand séducteur, mais chaque conquête n’est jamais achevée à cause de l’intervention des autres personnages (Donna Elvira) qui le poursuivent : c’est donc un personnage inconcluant, qui se révèle toujours frustré parce qu’il ne termine jamais rien. La seule action qu’il portera à terme sera un meurtre. Le personnage de Don Giovanni est donc le portrait parfait de l’oppresseur noble que Mozart attaque, critique et tourne en dérision, avec l’aide de Leporello, afin d’encourager le public à s’en débarrasser.

Donna Elvira

Ses aires s’approchent beaucoup au style de l’opéra sérieux, avec des sauts de voix à la limite de l’hystérie. Le chant d’Elvira est mis en relief par les violoncelles, instruments d’amour par excellence. Cela signifie que, malgré la colère d’avoir été abandonnée, continue d’aimer son séducteur. En outre, elle se démarque par son rôle actif et son esprit d’initiative (en Molière elle reste assez passive) qu’elle emploie pour contrecarrer les plans du libertin (ex. avec Zerlina et Donna Anna). C’est le seul personnage qui persécute Don Giovanni au cours de l’opéra.  

Donna Anna

Il s’agit d’un personnage nouveau dans l’histoire. Son style de voix est très proche de celui de Donna Elvira, toutefois son phrasé n’arrive jamais à l’hystérie et maintient un ton de dignité blessée. La colorature est comprise pour ce rôle et renforce sa charge dramatique.
Donna Anna est la fille du Commandeur, et la promise de Don Ottavio ; elle semble partagée entre l’amour pour lui et le chagrin pour la mort du père. Après la mort de ce dernier, elle retarde les noces avec son fiancé et le repousse (Pourquoi donc, matière à débat in my opinion).
Durant la scène d’ouverture elle subit une tentative de séduction forcée de la part de Don Giovanni, qui cherche ensuite à s’enfuir, mais elle s’oppose à sa fuite. On peut s’interroger sur les raisons de ce comportement. Mais c’est la musique entrainante à renforcer l’ambigüité : les deux personnages semblent unis par un seul et tourbillonnant  sentiment d’attraction, interrompu seulement par les paroles comiques de Leporello. Ce sentiment à l’égard de Don Giovanni, bizarre et un peu forcé expliquerait ainsi en partie la froideur montrée par Anna envers Don Ottavio. Mais même si elle a éprouvé une quelque fascination pour
Don Giovanni, tout disparaît à la fin de l’opéra.

Don Ottavio, Masetto, Zerlina

Un autre nouveau personnage est celui de Don Ottavio, le fiancé de Donna Anna, sa voix est assez sérieuse et  ses aires, plutôt traditionnelles indiquent qu’il s’agit d’une figure passive et dépourvue de complexité. Un stéréotype du noble sans courage et initiative, plein d’hésitation. Probablement ce qui manque au personnage pour devenir un héros dans cet opéra c’est l’expérience et la capacité d’interaction avec les autres.
En ce qui concerne Masetto et Zerlina, il s’agit de deux paysans fiancés inspirés probablement de Charlotte et Pierrot, présents dans Dom Juan. La dualité de la musique souligne l’hésitation mêlée de désir de Zerlina quand Don Giovanni tente de la séduire. Ensuite restée seule elle tente de calmer un Masetto en proie à la jalousie, dans une scène typiquement comique où la jeune fille mène son fiancé par le bout du nez. Mais l’harmonie et la mélodie de la scène sont en même temps simples et raffinées comme si elle était sincère. Quant à Masetto il est très jaloux et ne cache point sa colère quand Don Giovanni le chasse. Il est aussi très ingénu et Zerlina n’a aucun mal à se réconcilier avec lui, qui n’a pas eu le courage de la battre.
Un fait curieux est que Masetto et Zerlina ne s’expriment pas en patois ou en jargon comme dans Molière. Pourquoi ce choix ?
                   
Le Commandeur

Le personnage du Commandeur vivant, qui apparaît dans l’acte I est une nouveauté par rapport à la comédie de Molière. Il est le père de Donna Anna et il intervient pour la secourir des violences de Don Giovanni, mais il est tué en duel par ce dernier. Quand il apparaît sur scène, la mélodie précédente s’interrompt, la voix de basse profonde est accompagnée par un orchestre qui ajoute des nuances menaçantes, sur le rythme des accords. Ces dernières symbolisent le côté solennel du père et ensuite du surnaturel qu’il représente. Les deux personnages s’affrontent dans un bref corps-à-corps, la musique devient progressivement plus entrainante, et le coup mortel est souligné par un brusque ralentissement. Après une courte pause, Mozart donne lieu à un trio vocal exceptionnellement raffiné (Don Giovanni, Leporello, le Commandeur mourant).


Le dénouement

Le dénouement de l’opéra est clairement inspiré de celui de la pièce de Molière. Il y a toutefois une légère différence. En effet ce dénouement est plus long mais plus raffiné et élaboré (un collage de scènes moliéresques, coupées et mises en musique).
La scène finale est introduite par un cri de frayeur d’Elvira, suivi par les deux sombres accords de l’Ouverture, qui annoncent l’entrée en scène du Commandeur. Elle présente donc une symétrie avec l’Ouverture (cyclicité de l’œuvre =>  cercle de la vie ?).
L’alternance de piano et forte soulignent le sens de menace incarné par la Statue. La tension est à son paroxysme. Toutefois les commentaires terrorisés de Leporello ajoutent une touche de comicité, qui contrebalance l’atmosphère, arrivée à une tension maximale (spannung).
Au moment où le libertin prend la main que lui offre le Commandeur, la musique change brusquement ( => suspense). Le rythme devient toujours plus frénétique, l’atmosphère devient littéralement incandescente (les arcs évoquent les flammes de l’Enfer), dans une synthèse d’agitation et solennité.
On peut ajouter qu’il existe deux versions de la scène finale (version de Prague => originale ; version de Vienne => scène coupée). À Prague, la mort de Don Giovanni est suivie d’une scène (scène XVIII) qui réunit tous les autres personnages, qui s’interrogent sur la disparition de ce dernier. Il y a alors un changement de registre, qui devient presque comique. L’opéra se termine par une
« morale », exprimée par Donna Anna et Donna Elvira, tandis que les autres se limitent à la répéter en écho : un ultime hommage au Séducteur, et un dernier retour à un style mélodique plus élevé. (Un dénouement qui défie le conventionnalisme de l’opéra comique italien).


4) Synthèse

Malgré leurs points communs, les deux œuvres sont séparées par un siècle. Au moment où Molière écrit Dom Juan on assiste à l’épanouissement du baroque et du classicisme. On peut constater l’influence de ces deux mouvements dans la pièce, où le côté intellectuel (problématique religion, société et raison) est très approfondi, sans délaisser  le côté spectaculaire et expressif, qui caractérise le baroque. Néanmoins, avec Molière la figure du libertin semble proche à s’éteindre, arrivée à son apogée. Quand Mozart et Da Ponte reprennent le thème, un siècle plus tard, on se retrouve dans une époque de transition : les Lumières touchent à leur fin, et on approche le début de la Révolution, qui elle-même précède l’avènement du Romantisme. Cependant, malgré la différence de temps le lien entre les deux œuvres est très étroit, en ce qui concerne les problématiques. La problématique apparence-réalité transparait dans les deux œuvres, encore mieux elle en accentue l’ambiguïté (Lecteur/spectateur-Dom Juan ; valet-maitre ; Don Giovanni-Donna Anna ; scène des vêtements). Les deux auteurs amorcent aussi une profonde réflexion sur le libertinage et ses excès : est-ce une apologie ou une critique? La dernière problématique concerne la figure mythique du libertin et son évolution. La force de la musique de Mozart relance le thème de Don Giovanni vers le futur, lui redonne de la plasticité, et illumine d’une lumière nouvelle les caractéristiques du personnage.


Et voilà, c'est fini!!! Que pensez vous de ces deux oeuvres, et du lien qui les rattache? J'attends vos réactions, critiques, argumentations, bouquets de fleurs, tomates pourries, menaces de mort, bref des commentaires!!! Je sens qu'il y a un potentiel débat qui pourrait débuter à ce sujet Dom Juan & Don Giovanni: de la pièce de Molière à l'opéra de Mozart 3446682104

Pour le reste j'espère que cette vieillerie vous plaira, et si quelqu'un souhaite en avoir une copie pour soi (Bac, dissert, ou autre) faites-le moi savoir et je me ferai une joie de vous envoyer un pdf plus arrangé de cet article!!!
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